Les tensions générées par la mise en place du nouveau système d’accès des pêcheurs européens aux eaux du Royaume-Uni, qui a désormais quitté l’Union européenne pour de bon, a mis la pêche sur le devant de la scène médiatique et politique.
La situation difficile de la pêche artisanale française est une des principales origines des frictions entre la France et le Royaume-Uni, et fait ainsi l'objet de nombreux articles et reportages. Mais le fonctionnement de la pêche artisanale française reste peu connu du grand public, comme le montre le peu de connaissances sur son mode de rémunération principal : la rémunération à la part.
Un des traits caractéristiques de la pêche artisanale française est en effet la rémunération des pêcheurs à la part de pêche. C’est un système de rémunération atypique dans le paysage financier français qui, bien qu'il soit très utilisé dans le milieu de la pêche artisanale, ne s’observe dans aucun autre milieu et est donc mal connu.
Être rémunéré à la part de pêche signifie que son salaire dépend de la pêche et du résultat de sa vente sur le marché des produits de la mer. Par conséquent, si la pêche est mauvaise et/ou que les poissons et crustacés pêchés ne se vendent pas ou se vendent peu cher, la rémunération du pêcheur sera moindre.
Dans cette optique, un pêcheur pourrait ne pas être payé pour un jour de travail, si ce travail n’a rien rapporté au bord. Cela contrevient à l’idée généralement acceptée que « tout travail mérite salaire » et a soulevé de nombreuses interrogations suite à la création du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG, aujourd’hui SMIC) qui détermine un salaire horaire plancher.
Un salarié ne peut pas légalement être payé moins que le SMIC, ce qui signifie que, si le SMIC s'appliquait tel quel à la rémunération à la part, si un patron pêcheur décide de réaliser une sortie en mer qui s'avère au final mauvaise et lui rapporte moins que ce qu'elle a coûté (carburant consommé et autres coûts liés à l’exploitation du bateau de pêche), il doit rémunérer ses marins à la hauteur du SMIC alors même que le chiffre d'affaire généré par la sortie permet à peine de payer les frais d'essence de celle-ci.
On comprend ainsi pourquoi il est difficile d’appliquer le SMIC aux activités de pêche.
Néanmoins, cela ne signifie pas que la rémunération des marins pêcheurs n’a pas fait l’objet de régulation pour permettre aux pêcheurs d’avoir une meilleure stabilité financière, à travers un salaire minimum spécifique au métier de marin rémunéré à la part.
Selon les dispositions du Code des transports, ce salaire est déterminé par une convention collective ou une convention nationale. La dernière date de 2015 et fixe une méthode de calcul du salaire minimum d’un marin rémunéré à la part. Ce salaire minimum est journalier, et non horaire comme le SMIC qui bénéficie à tous les salariés français, puisque le travail en mer ne se module pas comme le travail à terre.
Ainsi, les marins pêcheurs rémunérés à la part de pêche ne sont plus dans l’incertitude face à leurs revenus. Ils sont assurés de gagner au moins 93,76€ bruts par jour travaillé, ce qui équivaut à un salaire annuel brut de 21 096,35€, calculé sur une base de 225 jours de mer par un an (chiffres actualisés d'avril 2021).
Ce salaire minimum garanti permet de garder les avantages de la rémunération à la part de pêche, qui consistent principalement en un salaire pouvant facilement varier, de manière positive, dès lors que la pêche est bonne, tout en assurant une stabilité financière aux marins.
Les pêcheurs rémunérés à la part ont ainsi progressivement acquis davantage de droits sociaux, en plus du salaire minimum garanti, tels que les congés payés, alors que le principe de base de leur méthode de rémunération ne l’autorise pas véritablement.
On peut donc conclure que les enjeux principaux de la rémunération à la part de pêche sont son adaptation aux évolutions des droits sociaux ainsi que la sauvegarde de la pêche artisanale française, en permettant à la fois aux pêcheurs salariés d’obtenir une sécurité financière et aux patrons pêcheurs de maintenir leur activité sans être entravé par des obligations financières trop importantes par rapport au chiffre d’affaire très aléatoire de leur entreprise.
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