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Retour sur les enjeux et perspectives du conflit en mer de Chine méridionale


En mer de Chine méridionale, pour faire face à la puissance militaire chinoise en expansion, de plus en plus d'Etats s'allient pour continuer de pouvoir garantir la liberté et la sécurité des voies de navigation dans cet espace sous tensions. L'AUKUS, conclu en septembre entre les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni, en est un parfait exemple, même si ce partenariat stratégique ne se vise pas explicitement à faire face à la politique invasive menée par la Chine en mer.


Ce contexte rend nécessaire un retour rapide sur ce conflit et les enjeux qui y sont liés, que ce soit au niveau juridique, politique ou encore économique.



Situer la mer de Chine méridionale : un nœud du commerce mondial


Afin de comprendre quels sont les enjeux autour de cette mer, il faut tout d'abord la situer, d'un point de vue géographique d'une part, et d'autre part d'un point de vue économique.


Situer la mer de Chine méridionale : perspective géographique


La mer de Chine méridionale est bordée par la Chine, le Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, Taïwan, la Thaïlande et le Vietnam (voir carte infra.) et s'étend sur près de 3,5 millions de km².

Deux archipels centralisent les tensions : les îles Spratlys, au sud, et les îles Paracels, au nord.



Source : Régine Serra (2012), "Tensions récurrentes en mer de Chine méridionale", pp.172-173 in L'Atlas des Mondes Emergents. Le Monde diplomatique, disponible sur https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_mondes_emergents/a54234, consulté le 19 octobre 2021



Situer la mer de Chine méridionale : perspective économique


L'importance économique de la mer de Chine méridionale explique l'ampleur des tensions entre Etats riverains et l'implication stratégique de certains pays d'Occident.


Tout d'abord, c'est par cette mer que passe l'une des routes du commerce maritime les plus importantes au monde. Il est d'ailleurs estimé que près de 11,3 milliards de dollars transitent actuellement dans la mer de Chine méridionale, qui occuperait près d'un tiers de l'industrie mondiale du shipping.


Ensuite, il faut ajouter que cet espace abrite près de 10% des ressources halieutiques mondiales, ce qui en fait une zone de pêche très importante, surtout pour les Etats riverains.


Enfin, la mer de Chine méridionale est riche en ressources minérales, incluant le gaz et le pétrole. Même si l'ampleur réelle des ressources non découvertes reste indéterminée, les scientifiques ont évalué que cet espace comporterait l'équivalent de 11 milliards de barils de pétrole et plus de 5 380 milliards de m3 de gaz naturel disponibles.


L'importance économique et stratégique de cette mer a conduit la Chine à tenter d'acquérir un quasi monopole sur ces eaux. Etats riverains comme Etats occidentaux se sentent plus que concernés par la politique chinoise, qui semble faire abstraction du droit de la mer.



Revendications de souveraineté en mer de Chine méridionale


"China has indisputable sovereignty over the islands in the South China Sea and the adjacent waters, and enjoys sovereign rights and jurisdiction over the relevant waters as well as the seabed and suboil thereof (...)" (Extrait du communiqué de presse du 7 mai 2009 de la délégation chinoise au Secrétaire Général des Nations Unies)

Par deux notes verbales datant du 7 mai 2009, dont sont tirés les termes ci-dessus, la Chine a officiellement soumis au Secrétaire Général des Nations Unies sa ligne à neuf traits, aussi connue sous le nom de Nine-Dash Line, en réponse aux revendications conjointes du Vietnam et de la Malaisie pour l'extension de leur plateau continental. Une carte jointe dans les notes verbales permet de visualiser concrètement les revendications de la Chine (voir infra.).



Source : Communiqué de presse du 7 mai 2009 de la délégation chinoise au Secrétaire Général des Nations Unies, CML/17/2009, p.2


D’après la Chine, tout espace se trouvant à l’intérieur de la Nine Dash Line fait partie des eaux sous souveraineté chinoise. Or, la zone délimitée par la Chine chevauche les eaux territoriales et Zones économiques exclusives (ZEE) de la Malaisie, du Brunei, du Vietnam, de l’Indonésie et des Philippines.


“The above position is consistently held by the Chinese Government, and is widely known by the international community(Extrait du communiqué de presse du 7 mai 2009 de la délégation chinoise au Secrétaire Général des Nations Unies)

La Chine s’appuie sur des “droits historiques” pour légitimer ses revendications. En l’occurrence, elle se base sur la déclaration de souveraineté émise en 1948 par l’ancienne République de Chine, prenant la forme d’une ligne à onze traits tracée sur la carte de la mer de Chine méridionale et pleinement reprise par la République populaire de Chine. La ligne à neuf traits telle qu’on la connaît aujourd’hui a véritablement pris forme dans la cartographie chinoise en 1953.


Or, une fois la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ratifiée par la Chine le 7 juin 1996, les règles de délimitation applicables deviennent celles de la Convention, ce que la Chine peine à accepter.



Que dit le droit ?


Le texte applicable en matière de délimitation des zones de souveraineté entre Etats est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay), signée en 1982 en Jamaïque, et entrée en vigueur en 1994.


Même si la Convention de Montego Bay a été ratifiée par la Chine, sa politique menaçante et ses actions invasives (construction d'îles artificielles sur des récifs coraliens dans les territoires contestés, limitation des activités de navires de pêche battant pavillon d'autres Etats et activités militaires dans les eaux revendiquées chinoises) ont entraîné l'introduction par les Philippines de ce différend devant un tribunal arbitral au sein de la Cour permanente d'arbitrage (CPA) en 2013.


Dans sa sentence du 12 juillet 2016, tout en contournant la question de la délimitation des territoires maritimes en mer de Chine méridionale, le tribunal arbitral saisi a, en grandes lignes :


  • invalidé les revendications de souveraineté de la Chine basées sur des droits historiques et a ajouté qu’aucune preuve ne permet de démontrer un contrôle chinois exclusif des eaux revendiquées et de leurs ressources ;


  • écarté la possibilité pour la Chine de se baser sur les îles artificielles qu’elle a construite dans les Spratly pour revendiquer une zone maritime étendue en mer de Chine méridionale ;


  • affirmé que la Chine ne dispose d’aucun droit souverain sur les zones qui chevauchent la ZEE des Philippines et que de ce fait, la Chine avait violé les droits souverains de cet Etat en entravant ses activités d’exploitation des ressources pétrolières et halieutiques, en n’empêchant pas les activités de pêche des navires sous pavillon chinois dans la ZEE des Philippines et en construisant des îles artificielles dans cette même zone ;


  • constaté les “dommages graves” que la construction d’îles artificielles par la Chine dans les Spratly a causé sur les récifs coralliens et les espèces marines dans cette zone.


La sentence, depuis le départ contestée par la Chine, a même été qualifiée de “farce” par le Ministre des Affaires étrangères Wang Yi peu après avoir été rendue. Pour autant, elle reste à ce jour la seule décision relative à ce conflit.



Et l'Occident dans tout ça ?


La politique contestable de la Chine en mer de Chine méridionale a conduit certains Etats d’Occident à intervenir. C’est le cas notamment des Etats-Unis, qui mènent des Freedom of Navigation Operations (FONOPs), qui consistent à déployer des navires et aéronefs militaires pour maintenir la liberté de navigation, principe fondamental du droit de la mer.


Pour en savoir plus sur ces opérations, vous pouvez consulter l'article suivant (en anglais) : https://www.belfercenter.org/publication/freedom-navigation-south-china-sea-practical-guide


La France, quant à elle, apporte son soutien en déployant des forces navales dans la mer de Chine méridionale, et développe de plus en plus sa stratégie afin de préserver ses intérêts dans cette zone du monde, notamment en concluant des partenariats stratégiques avec des Etats tels que le Japon. L'objectif, d'après la Ministre des Armées Florence Parly, est " [d’] affirmer que le droit international est la seule règle qui vaille, quelle que soit la mer où nous naviguons" [1].


La mer de Chine méridionale devenant aujourd’hui un espace géo-stratégiquement et économiquement important pour les Etats d’Asie du Sud-Est, mais aussi les Etats Occidentaux, nous pouvons espérer que des mesures de coopération soient prises entre les différents Etats concernés afin d’apaiser les tensions.




Bibliographie


Photo de l'article issue de : Alex Rogers, "China Building Runway in Disputed South China Sea Islands", Time, publié le 17 avril 2015, disponible sur https://time.com/3826713/china-building-airstrip-disputed-south-china-sea-islands/


[1] “La marine française a patrouillé en mer de Chine méridionale”, Le Figaro, publié le 9 février 2021, disponible sur https://www.lefigaro.fr/international/la-marine-francaise-a-patrouille-en-mer-de-chine-meridionale-20210209 , consulté le 24 octobre 2021


Rédaction de la BBC, "Aukus: UK, US and Australia launch pact to counter China", BBC, publié le 16 septembre 2021, disponible sur https://www.bbc.com/news/world-58564837, consulté le 8 octobre 2021


Faruk Zorlou, Sorwar Alam, “Dispute in South China Sea”, Anadolu Agency, publié le 28 août 2019, disponible sur https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/dispute-in-south-china-sea-/1566897, consulté le 8 octobre 2021


Régine Serra, “Tensions récurrentes en mer de Chine méridionale”, in “L’Atlas Mondes Emergents”, Chap. 4 Guerres Sans fin, pp.172-173, publié en 2012, disponible sur Le Monde Diplomatique,


Organisation des Nations Unies, Communiqué du 7 mai 2009 de la délégation chinoise au Secrétaire Général des Nations Unies, CML/17/2009, disponible sur https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mysvnm33_09/chn_2009re_mys_vnm_e.pdf , consulté le 24 octobre 2021


Organisation des Nations Unies, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, état des ratifications datant du 24 octobre 2021, disponible sur https://treaties.un.org/pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXI-6&chapter=21&Temp=mtdsg3&clang=_fr#EndDec, consulté le 24 octobre 2021


Cour permanente d'arbitrage, Communiqué de presse, Arbitrage entre la République des Philippines et la République populaire de Chine : le Tribunal arbitral établit le Règlement de procédure et le calendrier de procédure initial, 27 août 2013, disponible sur https://pcacases.com/web/sendAttach/229, consulté le 20 octobre 2021


Cour permanente d'arbitrage, Communiqué de presse relatif à la mer de Chine méridionale (La République des Philippines c. la République populaire de Chine), 12 juillet 2016, disponible sur https://pcacases.com/web/sendAttach/1802, consulté le 20 octobre 2021


Simon Leplâtre, Harold Thibault, “Le ton monte entre Pékin et Manille après le jugement sur la mer de Chine méridionale”, Le Monde, publié le 12 juillet 2016, disponible sur https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/07/13/pekin-furieux-apres-l-arbitrage-sur-la-mer-de-chine-meridionale_4968630_3216.html, consulté le 19 octobre 2021











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